Cacao : la Covid-19 met à jour la fragilité des mécanismes de lutte contre le travail des enfants

Enjeu : identifier l’impact de la Covid-19 sur le bien-être des planteurs et particulièrement leurs enfants, ainsi que les solutions à apporter afin de prévenir l’aggravation d’une situation déjà précaire
Entre le 17 mars et le 15 mai 2020, la fondation International Cocoa Initiative (ICI) a analysé les données provenant de 263 communautés (1 443 foyers de 40 coopératives différentes et 3 223 enfants interviewés) productrices de cacao en Côte d’Ivoire, afin d’évaluer l’impact de la pandémie de Covid-19 sur le travail des enfants, en se basant sur les Systèmes de Suivi et de Remédiation du Travail des Enfants (SSRTE)1. Il ressort de cette étude que pendant la période de semi-confinement, le pourcentage d’enfants identifiés comme étant impliqués dans des tâches dangereuses aurait augmenté de 16 à 19,4 % par rapport aux mêmes mois dans les années précédentes au sein des mêmes communautés, soit une augmentation de 21,5 %.

1 Élaboré par la fondation ICI, le SSRTE est un dispositif intégré à la chaîne d’approvisionnement d’entreprises productrices de cacao et de fabricants de chocolat dans le but de déceler, remédier à et prévenir le travail des enfants. Le système s’appuie sur la présence dans les communautés cacaoyères d’animateurs communautaires (par exemple des producteurs relais) chargés de sensibiliser sur le travail des enfants, de déceler des cas de travail des enfants et de proposer des mesures de soutien et de remédiation pour prévenir et lutter contre le phénomène. Toutes les informations sont recueillies au moyen de smartphones et compilées dans une base de données à partir de laquelle une analyse systématique peut être menée pour affiner les stratégies de remédiation. Le SSRTE est conforme aux principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme. Il permet aux entreprises d’évaluer l’impact réel de leurs activités s’agissant du respect des droits de l’Homme, de prendre les mesures qui s’imposent en fonction des conclusions de l’évaluation, de vérifier si les solutions mises en œuvre sont efficaces et de recueillir des informations fiables afin de communiquer sur les résultats obtenus.

C’est la conclusion préoccupante que la fondation a publié sur son site ce mercredi 1er juillet. Bien qu’à ce stade, on ne puisse savoir avec précision dans quelles proportions cette hausse est directement imputable à la pandémie, il n’en demeure pas moins que plusieurs facteurs directement liés au « lockdown » du pays et aux mesures mises en place afin de lutter contre la propagation du virus ont impacté négativement le bien-être des communautés concernées.

Parmi elles, la fermeture la fermeture de toutes les écoles maternelles, primaires et secondaires (les parents pourraient avoir emmené leurs enfants sur l’exploitation, où ils auraient été surveillés et auraient pu être appelés à participer au travail ; des analyses précédemment menées par les équipes de l’ICI ont montré que la prévalence de travail des enfants est supérieure dans les communautés ne disposant pas d’école et durant les vacances scolaires comparé à la période de scolarisation), ainsi que l’instauration des couvre-feux et restrictions relatives aux déplacements, régulant les transports au sein et entre les villes et isolant le grand Abidjan du reste du pays (réduction de la disponibilité de main d’œuvre adulte et compensation du manque d’effectifs par le recours aux enfants).

Enfin, le ralentissement économique global observé et la chute du prix des matières premières induit, s’ils ont eu des conséquences tangibles sur tous les secteurs économiques du pays et sur divers aspects du bien-être des populations, ont, sans surprise, particulièrement pesé sur les membres les plus vulnérables de la société ivoirienne. C’est ce qui ressort de l’enquête téléphonique menée par la fondation ICI auprès des producteurs de cacao certifiés de Côte d’Ivoire, dont plus de la moitié ont rapporté une diminution du revenu du ménage depuis la fermeture des écoles en mars. Les études sur les chocs des revenus montrent par ailleurs que lorsque les revenus des ménages diminuent, le travail des enfants tend à augmenter. Sans compter que le confinement partiel a automatiquement perturbé les programmes menés par le gouvernement, la société civile et l’industrie afin de soutenir les ménages producteurs de cacao vulnérables et sensibiliser à la protection des enfants.

Source : cocoainitiative.org

Selon l’ICI, bien que l’augmentation du travail des enfants en plantation puisse être en partie due à d’autres facteurs (environnement économique en constante évolution, cycles des projets des systèmes de suivi, qualifications et motivations en évolution des facilitateurs communautaires…), ces résultats « soulignent la vulnérabilité des ménages producteurs de cacao et montrent que les progrès dans la lutte contre le travail des enfants peuvent être rapidement inversés », mettant en lumière l’importance de fournir davantage d’efforts pour renforcer la capacité des ménages cacaoyers à supporter les futurs chocs, qu’ils soient liés à la disponibilité de main d’œuvre, à la santé ou au climat.

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Fondation à but non lucratif, International Cocoa Initiative (ICI) œuvre à la protection de l’enfance dans les communautés productrices de cacao. Leader dans le secteur, elle rassemble les forces de l’industrie du cacao et du chocolat, de la société civile, des communautés cacaoyères et des gouvernements de pays producteurs de cacao pour assurer aux enfants un avenir meilleur, et œuvre à l’élimination du travail des enfants. De concert avec ses partenaires, elle fait en sorte que les communautés cacaoyères assurent une plus grande protection des enfants et de leurs droits, que la filière de production gère le risque de travail des enfants de manière responsable et que les connaissances et les informations soient diffusées de manière ouverte et transparente. Présente en Côte d’Ivoire et au Ghana depuis 2007, ICI appuie la mise en œuvre de stratégies globales de protection de l’enfance dans 232 communautés cacaoyères et 214 coopératives au profit de 381 144 enfants.