Cacao ivoirien : après le prix plancher, la production plafonnée

Le 11 juillet, à l’occasion de la présentation du dernier rapport de la Banque mondiale sur la situation économique ivoirienne (« Au Pays du cacao – Comment transformer la Côte d’Ivoire »), le Conseil café-cacao (CCC) a dévoilé sa nouvelle stratégie pour limiter l’impact de la volatilité des cours mondiaux sur les revenus des fermiers : plafonner la production nationale de fèves brunes à 2 millions de tonnes. Soit une baisse de plus de 11 % d’ici la prochaine campagne cacaoyère.
Échaudé par la chute brutale des prix (40 %) observée en 2017 suite à la surproduction ivoirienne de la campagne 2016/2017, et ses conséquences dramatiques sur les revenus des planteurs – qui avaient alors diminué d’environ 36 % tandis que les grandes firmes chocolatières augmentaient leurs profits de près de 5 milliards de dollars –, le régulateur de la filière cacao en Côte d’Ivoire a annoncé qu’il comptait stabiliser la récolte d’or brun à 2 millions de tonnes à compter de la campagne de commercialisation 2020-2021, qui démarrera en octobre 2020.
Concrètement, il s’agit pour le CCC de freiner la création de nouvelles plantations et de stopper la production et la fourniture de semences et plants de cacaoyers à haut rendement s’effectuant généralement au profit des multinationales telles que Mars ou Nestlé, qui développent des espèces hybrides améliorées et les distribuent aux planteurs afin d’accroître la productivité de leurs parcelles. Dans l’optique de mieux contrôler les récoltes et de disposer d’une meilleure traçabilité des fèves, le gendarme du cacao ivoirien a par ailleurs initié un recensement des cacaoculteurs et de leurs vergers sur l’ensemble du territoire national.
Cette mesure, bien qu’en accord avec l’initiative d’amélioration des revenus des producteurs, actuellement discutée avec le Ghana, n’est cependant pas nouvelle : début 2018 déjà, le CCC déclarait vouloir stabiliser sa production, affirmant que l’augmentation des rendements observée ces 10 dernières années (de 1,6 à 2 millions de tonnes) était principalement le fait de programmes initiés par les grands chocolatiers. À l’époque, le régulateur parlait même de limiter l’offre nationale à 1,7 -1,8 million de tonnes. Un chiffre qui a, semble-t-il, été revu à la hausse, sans doute au regard de la production record (2,25 millions de tonnes) attendue pour la récolte 2018-2019, qui s’achèvera le 30 septembre.

Le diagnostic de la Banque mondiale

Partant du constat que le modèle économique de la Côte d’Ivoire repose sur le secteur agricole, notamment sur la filière cacao dont le pays est premier producteur mondial, le 9e rapport de l’institution financière internationale, intitulé « Au Pays du cacao – Transformer la Côte d’Ivoire » s’intéresse à ce secteur et en brosse un état des lieux inquiétant. Bien que les récoltes aient quadruplé depuis 1960 pour atteindre plus de deux millions de tonnes en 2018, les conditions de vie des producteurs ne se sont guère améliorées. En 2015, 54,9 % d’entre eux vivaient en dessous du seuil national de pauvreté. En outre, cette augmentation de la production a été lourde de conséquences pour le patrimoine naturel de la Côte d’Ivoire, avec une diminution alarmante des forêts qui n’occupent plus que 3 millions d’hectares, contre 12 millions en 1960. Selon l’étude, ces défis représentent aussi une opportunité puisqu’ils donnent à la Côte d’Ivoire l’occasion de repenser l’ensemble de la chaîne de valeur du cacao pour transformer son économie. Sont ainsi proposés trois axes d’intervention : (1) miser sur la technologie pour accroître les rendements et passer d’une croissance extensive à intensive ; (2) établir des mécanismes de traçabilité pour les acheteurs afin de garantir un produit responsable ; (3) développer l’industrie locale de transformation.
« La Côte d’Ivoire a une opportunité unique d’améliorer les conditions de vie de ses producteurs de cacao et créer des emplois le long de la chaîne de transformation tout en restaurant son patrimoine naturel », souligne Coralie Gervers, directrice des opérations de la Banque mondiale pour la Côte d’Ivoire, le Bénin, la Guinée et le Togo. « Il est urgent de moderniser la filière cacao et de faire en sorte qu’elle devienne un véritable vecteur de croissance inclusive. »
CQFD