Exclus des contrats de cacao certifié : les négociants ivoiriens tirent la sonnette d’alarme

Écrasés par la mainmise des multinationales qui raflent la (quasi) totalité des contrats des grands chocolatiers, les négociants ivoiriens lancent un appel à l’aide et prennent à témoin l’autorité de régulation.

Rendu public le 24 février, le communiqué du Groupement des négociants ivoiriens (GNI) a retenti comme un appel de détresse. Dans sa note, l’association s’alarme que « les transformateurs et les exportateurs ivoiriens sont en train de faire faillite, en raison des primes sur les fèves de cacao certifié durable, dont seules les entreprises internationales installées en Côte d’Ivoire bénéficient ». Au cœur du problème, l’attribution – par les grands chocolatiers (Mars, Nestlé, Cémoi, Mondelez…) – decontrats de cacao certifié par lesquels les majors occidentales du chocolat paient une prime de 200 dollars la tonne de fèves de cacao pour obtenir une production certifiée conforme aux règles du commerce équitable. Un juteux marché – 45 % de la récolte ivoirienne de cacao – dont se sentent exclus les opérateurs ivoiriens de la filière, ces contrats « certifiés » étant captés presque entièrement par une poignée de groupes étrangers présents sur le territoire (Cargill, Olam, Sucden, Barry Callebault…). Dans le bulletin précité, le GNI estime ainsi que « ces primes sont à 97 % […] accordées à 7 multinationales installées en Côte d’Ivoire, avec lesquelles les transformateurs et les exportateurs ivoiriens sont en concurrence ». Pis, « il en résulte que non seulement les exportateurs et les transformateurs ivoiriens sont exclus du marché certifié, mais en plus, ils ne peuvent même plus acheter de fèves de cacao non certifié pour assurer leur survie », s’émeut le GNI pour qui « c’est un fait établi qu’il est impossible en Côte d’Ivoire d’acheter des fèves de cacao ordinaires sans acheter également du cacao certifié ».

Faillites

Résultat, c’est le spectre de banqueroutes à la chaîne qui plane désormais sur la filière cacao ivoirienne. Contactée par l’agence Reuters, Constance Kouamé, la secrétaire générale du GNI, a ainsi reconnu que « onze de [leurs] membres (sur la quinzaine que compte le GNI, NDLR) [étaient] au bord de la faillite et du défaut de paiement […] ». Une situation à bien des égards similaire à la grave crise qu’avait connue le secteur en 2017. À l’époque, le Conseil ivoirien du café-cacao (CCC) avait perdu 300 milliards de francs CFA (500 millions de dollars) lorsque les exportateurs locaux avaient fait faillite, car ils ne pouvaient pas financer les achats de fèves pour honorer leurs contrats d’exportation.

Lire aussi : Cacao : le « différentiel de revenu de subsistance » enfin sur les rails
Lire aussi : Miser sur la blockchain pour optimiser la filière cacao ivoirienne
Lire aussi : Cacao : le travail des enfants en question(s) – Entretien avec le sociologue Rodrigue Koné

La situation pourrait néanmoins être amenée à évoluer. Le 27 février, plusieurs sources sondées par les médias locaux ont confirmé, sous couvert d’anonymat, que les multinationales du cacao opérant en Côte d’Ivoire avaient accepté, après des pourparlers avec le GNI et le CCC, de vendre aux négociants nationaux 60 000 des 150 000 tonnes nécessaires à l’exécution de l’ensemble de leurs contrats d’exportation. Un premier pas qui pourrait être suivi d’autres…