Le Nigéria condamné à payer 9 milliards de dollars pour un projet gazier avorté

9 milliards de dollars. C’est le montant énorme des dommages et intérêts que pourrait être contraint de payer le gouvernement nigérian à la compagnie énergétique Process & Industrial Developments Ltd. (P&ID) pour non-réalisation d’un projet gazier.

Dans une décision rendue vendredi 16 août par un tribunal londonien, la firme, détenue en partie par des fonds spéculatifs (VR Capital Group et Lismore Capital Limited) et basée dans les Îles Vierges britanniques, s’est vue accorder le droit d’exécuter une sentence arbitrale lui permettant de récupérer des actifs appartenant à l’État nigérian pour une somme cumulée de plus de 9 milliards de dollars, soit 20 % des réserves étrangères du pays. Au cœur de ce colossal contentieux financier, l’avortement d’un projet de construction d’une usine de traitement de gaz dans la ville de Calabar (sud-est du Nigéria), en raison du non-respect de certains engagements par les autorités nigérianes.

Tout commence en 2010. Le gouvernement nigérian, alors dirigé par le président Goodluck Jonathan, noue certains partenariats avec des entreprises privées afin de développer les infrastructures énergétiques dont le pays manque cruellement. C’est dans ce contexte que le ministère des Ressources pétrolières conclut en janvier 2010 un accord avec P&ID. Selon les termes de cette entente, le Nigéria prévoyait d’acheminer du gaz naturel de deux plates-formes offshore vers une raffinerie construite par le groupe gazier, chargé d’éliminer les hydrocarbures du gaz et d’approvisionner les centrales électriques nigérianes en carburant. Non rémunérée pour le projet, la société conservait en contrepartie les sous-produits d’hydrocarbures (propane, éthane et butane notamment). Un deal séduisant sur le papier, mais qui ne devait jamais voir le jour, le gouvernement nigérian ayant unilatéralement rompu les clauses du contrat, en particulier concernant la fourniture du gaz promis et la réalisation de certaines infrastructures logistiques. Face à ce blocage, P&ID a alors engagé une procédure d’arbitrage à Londres, à partir de 2012.

Concrètement, le verdict tombé ce 16 août ouvre la voie à P&ID pour déposer des demandes de saisie d’actifs nigérians à l’étranger. Il fait par ailleurs suite à un premier arbitrage dans lequel le pays ouest-africain avait (déjà) été condamné à verser 6,6 milliards de dollars à P&ID en 2017, pour le même contentieux. En l’absence d’accord trouvé avec les autorités nigérianes et en tenant compte des paiements additionnels d’intérêts, le tribunal britannique a finalement converti la sentence arbitrale en décision judiciaire, et porté la somme totale exigée à 9,6 milliards de dollars – l’équivalent du PIB du Niger. Cité par Reuters, Andrew Stafford, du cabinet d’avocats Kobre & Kim, qui représente P&ID, a déclaré que son client était « déterminé à faire respecter ses droits avec vigueur et qu’il avait ‘’l’intention de commencer le processus de saisie des avoirs nigérians afin de satisfaire à cette reconnaissance dans les meilleurs délais’’ ». Les avocats en charge des intérêts nigérians ont pour leur part argué que la sentence n’avait pas de raison d’être, car l’Angleterre n’était pas le lieu approprié pour l’affaire, et que même si c’était le cas, le montant demandé était « manifestement excessif ».