Les fonds de crédit, une alternative au financement bancaire

Par Sidoine Viagbo, Executive Head West Africa au Barak Fund Management

Alors qu’elles contribuent à une part significative de la richesse et des emplois créés en Afrique, les petites et moyennes entreprises (PME) continuent d’être les parents pauvres du financement bancaire. Il existe pourtant des alternatives au crédit classique, à l’image des solutions proposées par les credit fund, ces véhicules d’investissement spécialisés dans la fourniture de financements sur mesure, et dont la souplesse est particulièrement précieuse pour les entreprises en phase de développement. Notamment dans la filière des matières premières agricoles. Dans cette tribune, Sidoine Viagbo, Executive Head West Africa au Barak Fund Management, revient sur les avantages de cette formule de financement ainsi que sur les synergies possibles avec les acteurs du crédit bancaire.

Créée en 2008, la société Barak Fund Management est un fonds de crédit (credit fund) dont la vocation est le financement des TPE / PME africaines, principalement dans le secteur des matières premières agricoles. Avec plus de 1 milliard de dollars américains d’actifs sous gestion, Barak cherche à générer des rendements similaires à ceux des marchés actions avec une volatilité moindre et surtout, un risque mieux maitrisé. Pour y parvenir, nous mettons en place des prêts adossés aux stocks de matières premières des entreprises que nous finançons (« resource-backed loans »), ceux-ci faisant ainsi office de collatéral [2] .

Financement alternatif

En ce sens, notre stratégie s’inscrit dans une démarche alternative au financement bancaire classique, qui obéit à des critères (chiffre d’affaire, total bilan, fonds propres…) souvent perçus comme « rigides » par nombre de petites structures entrepreneuriales, encore peu formalisées. De quoi sans doute expliquer qu’en Afrique, 40% des demandes de financement du secteur agricole sont rejetées par les institutions bancaires locales en raison de leur solvabilité ; 16% pour des contraintes liées au capital ; 13% en raison de la taille du bilan ; 9% pour manque de crédibilité bancaire ; 9% en raison de leur incapacité à fournir des devises étrangères ; 9% pour absence de financements adaptés à leurs besoins ; et 4% pour raisons diverses.
En comparaison, les formules de financement proposées par les credit funds tels que le nôtre sont souvent plus flexibles car réalisées sur-mesure (en fonction du cash-flow ou des contrats de vente déjà signés, par exemple), sur une base purement transactionnelle. Idem pour les horizons temps où, là encore, le maître-mot est souplesse : que ce soit du court terme (jusqu’à un an), du moyen terme (de un à cinq ans) ou du long terme (jusqu’à sept ans), le financement est toujours gagé sur des stocks de matières premières existantes ou à venir.

Synergie

Ces deux sources de financement ne sauraient pourtant être vues comme concurrentes. Structurées différemment, elles sont d’abord et avant tout, complémentaires. La période actuelle, faite d’incertitudes nées dans le sillage de la crise du Covid-19, est à cet égard un moment particulièrement opportun pour rappeler que banques et fonds de crédit auraient tout intérêt à travailler main dans la main, en capitalisant sur leurs forces respectives. À la différence des banques, les fonds de crédit n’ont pas la possibilité d’obtenir des refinancements auprès des banques centrales. Une situation qui limite de facto leurs marges de manœuvre en période difficile, comme en ce moment avec la crise du Covid-19. La solution idéale voudrait donc que les établissements traditionnels de crédit comblent ce ‘’retrait’’ relatif des fonds alternatifs, en utilisant à bon escient les liquidités mises à leurs dispositions par les banques centrales, pour prêter plus vigoureusement aux TPE/PME, aujourd’hui en besoin criant de financement .
Mieux, une synergie pourrait être mise en place avec les fonds pendant cette crise, afin d’acter de manière définitive ce nouveau « business model » de financement des TPE/ PME du secteur agricole. Les banques bénéficieraient de facto de l’expérience des fonds avec ce type de clientèle (connaissance clients, origination et structuration des transactions), ce qui conduirait à un meilleur partage du risque, avec une participation substantielle des banques dans les transactions. Au final, nous maintiendrions nos économies à flots et éviterions que cette crise sanitaire ne devienne une pandémie sociale pour un secteur agricole qui emploie plus de 60% de la population active et contribue à hauteur de 35% du PIB africain.

[1] En finance, une garantie ou collatéral est un actif transférable servant à couvrir le risque de crédit dans le cas où le bénéficiaire d’un financement ne parviendrait pas à satisfaire ses obligations de paiement.