Salon du chocolat de Paris : un cru 2019 aux couleurs ivoiriennes

Du 30 octobre au 3 novembre, plus de 500 professionnels du secteur issus d’une soixantaine de pays se sont retrouvés à Paris pour le 25e Salon du chocolat. Placée sous le signe d’une responsabilisation accrue aux enjeux d’équité mettant aujourd’hui la filière au défi, la programmation 2019 a réservé une place de choix au premier producteur mondial d’or brun, qui brillait cette année d’un éclat tout particulier. Ressource vous explique pourquoi en 3 points-clés.
La marraine de cette 25e édition était Mme Dominique Ouattara

Activement engagée en faveur des « enfants perdus du cacao », la Première dame de Côte d’Ivoire a assurément pris cette mission à cœur. Après qu’un projet d’embargo sur le cacao ivoirien ait été formulé en juillet par les sénateurs américains Ron Wyden et Sherrod Brown, l’épouse d’Alassane Ouattara s’est rendue à Washington en septembre pour plaider la cause des fèves ivoiriennes, qui représentent 15 % du PIB national et font vivre entre 4 et 6 millions de personnes. Une offensive diplomatique qui semble avoir payé, puisque les douanes américaines devraient effectuer le déplacement en Côte d’Ivoire courant décembre, tandis que les deux politiciens à l’origine de l’affaire ont depuis adopté une position plus conciliante, se déclarant même prêts à aider les autorités dans leur lutte contre ce fléau.

Le salon s’est ouvert dans un contexte de bras de fer entre les principaux pays producteurs et les intermédiaires de la filière

En effet, avec les grandes firmes chocolatières et les commerçants, ces derniers captent l’essentiel des revenus du secteur (100 milliards de dollars en 2018), tandis qu’à peine 6 % de ceux-ci reviennent aux planteurs, éternels maillons faibles d’un système dont ils constituent pourtant le socle inamovible. Une situation de grande précarité qui pousse certains d’entre eux à des alternatives extrêmes, comme recourir à la main-d’œuvre enfantine. Pour pallier cette situation, la Côte d’Ivoire et le Ghana, qui représentent à eux deux plus de 60 % de la production mondiale d’or brun, ont mis en place un mécanisme de soutien aux cacaoculteurs indépendant des fluctuations du marché, appelé « Différentiel de revenu décent »1. Les négociants et grands industriels ont dans un premier temps refusé d’y adhérer, avant de finir par céder suite à diverses pressions2. Fin septembre, à l’occasion de la conférence de la World Cocoa Foundation qui rassemblait à Berlin les principaux acteurs de la filière, des poids lourds du secteur comme Mars, Nestlé ou Olam ont ainsi emboîté le pas à Barry Callebaut et Cémoi.

1 Soit une prime de 400 dollars la tonne de cacao, qui vient s’ajouter au prix du marché à terme, fixé en juin dernier à 2 600 dollars la tonne.

2 En juin, la Côte d’Ivoire et le Ghana ont suspendu plusieurs semaines la vente des récoltes 2020/21. Plus récemment, les deux pays ont menacé de revoir les conditions des schémas de durabilité et de certification des entreprises.

L’un des 50 meilleurs cacaos du monde en 2019 est produit en Côte d’Ivoire

Tous les deux ans depuis 2009, le programme Cocoa of Excellence (CoEx), mené par Bioversity International (désormais l’alliance de Bioversity International et CIAT) et le Salon du chocolat, met en avant la qualité, les arômes et la diversité des cacaos selon leur origine, ainsi que le savoir-faire des agriculteurs qui le travaillent. Cette année, suite à la sélection de 223 échantillons soumis par 55 pays (évaluation physique détaillée, transformation des fèves en liqueur pour analyse sensorielle, nouveau choix et transformation des échantillons retenus en chocolat noir à 66 % de cacao), 20 des 50 producteurs désignés ont été récompensés d’un International Cocoa Award pour la qualité de leurs fèves par un panel composé de 35 spécialistes (chocolatiers, experts en évaluation sensorielle, « bean sourcers »…). Parmi ces lauréats – dont 4 seulement en provenance d’Afrique et de l’Océan indien –, Ambroise N’Koh, cultivateur d’Azaguié (Abbè-Bégnini) qui recourt à l’agroforesterie (lire notre article : Réchauffement climatique : le cacao dans la ligne de mire) pour travailler une parcelle de 7 hectares produisant 12 tonnes de forastero par an. Une distinction rappelant à point nommé qu’en plus de la quantité, la Côte d’Ivoire peut aussi miser sur la qualité.