Ghana : chocolat militant

Troisième richesse du pays après l’or et le pétrole, le cacao est un contributeur majeur de l’économie du Ghana, second producteur mondial d’or brun. Si le traitement in situ des fèves est longtemps resté anecdotique, l’État, dans une optique volontariste, a depuis peu érigé la transformation et la consommation locales en priorités. Une politique qui semble commencer à porter ses fruits, tant au niveau du marché intérieur que des artisans chocolatiers ghanéens, de plus en plus nombreux à valoriser le « made in Ghana ».

D’après le Ghana Cocoa Board (Cocobod), organisme public en charge de la gestion de la filière cacao ghanéenne, l’industrie cacaoyère emploie environ 800 000 familles d’agriculteurs (selon les sources, on parle de 700 000 à 1 million de cacaoculteurs) réparties dans six des dix régions du pays, et fait vivre plusieurs millions de personnes incluant les employés des sociétés de négoce et les ouvriers de la production et du commerce d’intrants agricoles. La plupart des planteurs sont des métayers cultivant des parcelles de 2 hectares en moyenne avec un rendement d’environ 400 kilos/ha. Le Cocobod estime la superficie cacaoyère du pays à 2,7 millions d’hectares, dont seuls 1,9 million sont productifs. La récolte des fèves brunes génèrerait annuellement quelque 2 milliards US$ (à peu près 15 % des parts d’exportations) et contribuerait à hauteur de 10 % à la formation du PIB national. Le Ghana, dont la production moyenne s’élève depuis quelques années à 850 000 tonnes – soit 20 % de la récolte mondiale totale –, ambitionne de dépasser le cap du million d’ici 2020.

La production cacaoyère continuerait d’augmenter, à en croire les derniers chiffres avancés par le régulateur, selon lesquels entre le 1er octobre – démarrage de la campagne 2018/19, et le 31 janvier, le Ghana aurait récolté 644 319 tonnes de cacao gradé et scellé, soit une hausse de 11 % par rapport à la même période en 2017/18. Les achats à la ferme auraient quant à eux grimpé de 10 % pour s’établir à 674 735 tonnes.

Selon certains observateurs, ce chiffre devrait encore progresser dans les prochains mois, notamment grâce à une conjoncture particulièrement favorable à la production.  

Joseph Boahen Aidoo
Joseph Boahen Aidoo, Directeur général du Cocobod.

Booster la transformation locale

Début 2019, Joseph Boahen Aidoo, directeur général du Cocobod, déclarait que son pays ambitionnait de traiter localement au moins 50 % de sa récolte cacaoyère. Un objectif d’autant plus réalisable selon le haut fonctionnaire que la capacité de transformation ghanéenne a significativement augmenté ces dernières années, pour atteindre un peu moins du tiers de la production : « Actuellement, nous sommes en mesure de traiter environ 300 000 tonnes de cacao sur le marché intérieur, soit une hausse de 19 % par rapport au chiffre précédent de 252 000 tonnes ». Cette ambition, officielle depuis 2017 et réitérée ce début d’année, s’inscrit dans l’esprit de la « Déclaration d’Abidjan », signée conjointement par le Ghana et la Côte d’Ivoire le 26 mars 2018. Selon ce texte en effet, les deux États « [a]ffirment leurs engagements à transformer la majeure partie de leur production nationale dans leurs pays respectifs ; […] Invitent le secteur privé, notamment le secteur privé africain, à investir massivement dans la transformation du cacao en Afrique », afin de peser davantage dans l’économie cacaoyère mondiale et mieux se prémunir contre les fluctuations du marché.

Les Présidents Nana Akufo-Addo et Alassane Ouattara lors de la décalrtion d’Abidjan ©DR

Au Ghana, la transformation du cacao se heurte à plusieurs problèmes : faible demande locale pour les produits à base de cacao – bien que la donne soit en train de changer doucement –, frais de fabrication généralement assez élevés et droits tarifaires croissants pour les produits semi-finis importés d’Europe. Pour cette raison, les autorités ghanéennes ont pris ces dernières années une série d’initiatives visant à développer une industrie locale de traitement du cacao, notamment via l’adoption de mesures incitatives comme la suppression des taxes à l’import sur les machines et autres matériels d’usinage, l’instauration d’un moratoire de 10 ans pour l’impôt sur les sociétés, et la vente des fèves de la petite récolte avec un rabais de 20 % aux entreprises broyant ces fèves au Ghana… 

Le Ghana a par ailleurs décidé de s’associer à la Chine afin de booster la transformation locale. En novembre 2018, le pays a ainsi signé un protocole d’accord avec la China National Complete Engineering Corp. À la clé, des prêts équivalant à 1,5 milliard US$ pour doper la production et le traitement du cacao. Selon le site B&FT Online, spécialisé dans les matières premières, Ghanéens et Chinois vont également construire une méga usine de transformation dans le district de Sefwi-Wiawso à l’ouest du pays. Coût de ce projet : 60 millions US$ dont 35 financés par la Banque d’exportation et d’importation de Chine, pour un objectif de 450 000 tonnes de cacao traitées. Si le Ghana parvient à atteindre ce ratio ultra ambitieux, son taux de transformation passera de 30 à 80 %.

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